Quatorze ans dans ce quotidien qu'il vaut mieux avoir en journal. L'intégrale en 22 chapitres est désormais disponible.
Mon nouveau projet d'écriture et ce que deviennent vos abonnements.
« T’as vu ça ? » Les messages s’amoncèlent, presque identiques, sur mes réseaux. WhatsApp, Messenger, Insta. Personne ne me malmène, ne me demande de comptes. Juste « T’as vu ça ? » Le titre se suffit à lui-même, « Violences sexuelles : 6 femmes témoignent contre Édouard Baer » Oui j’ai vu et je ne sais pas quoi répondre.
Avant, pendant et après #MeToo, certaines choses ne changeront jamais. Si vous aviez posé un micro au désormais dénommé « Pôle Loisirs », voilà ce que vous auriez entendu.
Certains confrères tombent noblement sous les balles en Syrie, moi je vais crever ici. À Limoges, dans une Clio, en rentrant d’un reportage sur « L’amour est dans le pré ».
« Hi, honey ». Il entre dans mon dos pendant que je regarde l’avenue Montaigne, par la fenêtre de la suite. La voix reconnaissable entre mille. Voilée. Canaille. Je me retourne. « Hi, Jason. »
Pour moi il n’y a pas de vestiaire. Je me faufile entre les tables, ces tables nappées de blanc, éclairées de chandeliers, entre lesquelles je fais tache.
C’est le téléphone qui me réveille. À ma gauche, l’attachée de presse des Miss France. À ma droite, mon confrère de « Vogue ». Le lit est suffisamment large pour nous trois, et pour tout le papier toilette qu’on a lancé à travers la chambre au milieu de la nuit.
Kate épouse William, l’Amérique invente Instagram et menotte DSK. Entre 2009 et 2011, si vous aviez posé un micro au 2ème étage du « bâtiment rédaction » à Saint-Ouen, voilà ce que vous auriez entendu.
« Je vais prendre un Perrier rondelle, parce que je suis un fou. » Pendant qu’il passe commande au serveur, je pouffe en sortant mon carnet et mon stylo. On ne s’est pas creusé la tête pour choisir le café on a pris celui d’en face, juste avant le Point-Virgule. Face à lui je ne suis pas intimidée, parce que rien n’a encore eu lieu.
On les reconnaît de loin. Ces enveloppes timbrées, libellées d’une écriture sèche et orageuse. Avec dans le trait quelque chose d’une colère à peine contenue, d’un esprit chevaleresque aussi. Car qu’est-ce qui pousse le lectorat d’une rédaction à lui écrire sinon ceci : la révolte.