Glory Box

Quatorze ans dans ce quotidien qu'il vaut mieux avoir en journal. Un feuilleton envoyé depuis le monde d'avant, chaque 15 du mois.

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Par Charlotte Moreau
15 févr. · 5 mn à lire
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Chapitre 6 - Nightcall

Ce ne sont pas ces nuits-là. Ces vénéneuses nuits parisiennes où se croisent ce qu’il faut de gens importants, arty, bohème. Ces nuits racontées mille fois et qui le seront mille fois encore dans les livres de celles et ceux qui comptent. Ce sont les autres nuits. Les miennes.

Ces nuits de parkings et de sous-sols. De pied sur la piste et d’oeil sur la montre. 
Ces nuits sans alcool, sans audace et où demeure l’impression de n’être pas à sa place, ni dans le bon tempo. 

Dehors, c’est Lisbonne, Cannes ou Rungis. Dedans les autres dansent, les autres chantent, les autres boivent. Les autres me parlent, « t’écris quoi ? » 

Mes nuits ne sont pas la nuit, juste l’extinction du jour et sa continuité. Travailler, observer, noter, s’isoler, rédiger, s’exfiltrer.

S’exfiltrer c’est la première pensée, toujours. Avant que ça ne commence, avant même d’y être. Visualiser l’étape d’après : rentrer. Et toutes les images qui vont avec, le trottoir mal éclairé, le ticket de stationnement, la bretelle d’autoroute. Quand tu conduis, tu te gères. Jusqu’à quelle heure est-ce que je serai lucide ? Avoir assez mangé avant. Ne pas être écrasée de fatigue dans une ligne droite de l’A6.
Parfois, la ligne droite va jusqu’à Ibiza.

JUILLET 2005 - « F*** me I’m famous »

« Le deal, c’est de faire l’aller-retour sans dormir. Tu pars avec eux ce soir, vous passez la nuit au Pacha et vous reprenez l’avion dans la foulée. » J’ai le droit de dire non. J’ai 24 ans, pas d’enfant, un CDD, je dis oui.

Dans l’avion je ne discute pas avec les Guetta, ils sont déjà sur place, mais avec Mickaël et Mickaël. Ils ont remporté un concours sur NRJ. Ce « Bastille Day » dans la plus grosse boîte d’Ibiza est lourd d’enjeux pour eux aussi. 

Mickaël 1 est pâtissier, veut percer comme mannequin, glisser son book à Jean-Paul Gaultier. 
Mickaël 2 est manutentionnaire dans un hypermarché, s’inquiète de ne pas être « trop sur les rotules » pour retourner bosser samedi.
Je me sens proche de Mickaël 2. 

Il me suffit de trois minutes dans le Pacha Club pour les perdre de vue. Des gens sont en slip. Dans une coupe de champagne géante, une danseuse ondule seins nus. Sur la piste, un septuagénaire androgyne chaloupe en mules et bikini dorés. Je joue des coudes jusqu’à l’étage entre des types bodybuildés, des bimbos pailletées, des vieilles liftées, et des gens comme moi qui ne savaient pas quoi mettre. 

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