Glory Box

Quatorze ans dans ce quotidien qu'il vaut mieux avoir en journal. Un feuilleton envoyé depuis le monde d'avant, chaque 15 du mois.

image_author_Charlotte_Moreau
Par Charlotte Moreau
15 sept. · 7 mn à lire
Partager cet article :

Chapitre 13 - Vue à la télé

Arrive ce moment où on te propose de faire de la télé. C’est un cap étrange, pas quelque chose à quoi tu candidates. Tu dépends du désir des autres, un peu comme une actrice. Un jour il y a un coup de fil. On t’a repérée.  

Tout de suite, c’est informel. 

Tout de suite, il y a dans les mots, le ton, l’approche, cette familiarité propre à la télévision. Cette vraie-fausse décontraction que tout le monde adopte par imprégnation, et sans laquelle rien ne se fait, rien ne se noue. 
C’est un préalable à tout et la garantie de rien. 
Ça s’apprend comme tout le reste : tacitement, et le plus vite possible.

Tu réécoutes le message. Comme tu passes ton temps à fuir les attachés de presse et les numéros masqués, tu n’avais pas décroché. 

L’essentiel de ton recrutement a eu lieu avant toi, sans toi.  
Tu es dans une shortlist dont tu ignorais l’existence. 
Tu as passé sans le savoir un sas de filtres invisibles dont on ne te dira rien, ces filtres qui façonnent et perpétuent l’entre-soi, cette forteresse dans laquelle on n’entre qu’injecté, coopté, inoculé.

Tu rappelles. Tu t’isoles pour le faire. 
Ces réflexes-là on ne sait pas non plus d’où ils viennent mais ils viennent. Ces conversations où l’on chuchote, ces portes que l’on ferme derrière soi, ces appels que l’on passe recroquevillé dans une cage d’escalier, ou en faisant les cent pas au bout du parking. Dans ce métier tout est confidentiel, même ce qui n’est pas important.

...