Glory Box

Quatorze ans dans ce quotidien qu'il vaut mieux avoir en journal. Un feuilleton envoyé depuis le monde d'avant, chaque 15 du mois.

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Par Charlotte Moreau
28 août · 5 mn à lire
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Chapitre 12 - La plainte contre X

« Asseyez-vous ». Il remue quelques papiers sur son bureau, m’indique le siège en face de lui. En temps normal je me serais probablement assise sans attendre d’y être invitée. Mais « en temps normal » n'est plus vraiment d'actualité quand vous êtes face à un flic. Et pas n’importe lequel, un flic de l’IGPN. La police des polices.

Je tiens la convocation devant moi, comme un corps étranger.
Ce putain de courrier, reçu quelques jours plus tôt à la rédaction.
Cette coulée de glace sur ma nuque en découvrant l’en-tête, Inspection Générale de la Police Nationale. Puis quelques lignes plus bas, le nom du plaignant, qui m’avait clouée sur ma chaise.

Cette affaire était classée, croyais-je. 

Oui, il y avait eu un article qui avait déplu, quelques coups de fil désagréables, des menaces, mais plutôt celles de m’attendre en bas de chez moi, pas de me traîner chez les flics.

Six mois plus tard m’y voilà. Pénétrant dans une petite pièce grise et fonctionnelle, à l’étage d’un immeuble gris et fonctionnel, dans le XIIe arrondissement. Le siège de ce qui s’appelle encore l’Inspection Générale des Services. La version parisienne de l’IGPN, rayonnant dans et autour de la capitale. 

Je suis partie du journal sous les « allez courage » de l’open space. 
Ai traversé Paris dans un état second, une sorte de calme sidéré. 
Suis arrivée tellement en avance qu’il a fallu tuer le temps sur le trottoir d’en face.
Enfoncée dans le siège de ma voiture comme on planque. 
Observant cette façade vitrée, inoffensive, bien loin de la forteresse hostile à laquelle je m’attendais.
Les instants décisifs se reconnaissent parfois à ça, à la banalité de leur décor.

Je claque la portière en marmonnant. Récapitulant une fois de plus la seule réponse que je dois donner, la seule loi que je dois citer. 

« Bonjour, euh... Monsieur. » 

C’est bien la peine de s’envoyer autant de polars, pour ne même pas savoir comment appeler le gradé qui me fait face. Lieutenant ? Capitaine ?

...